La Belle de Brillet célèbre ses 40 ans : Entrevue avec Jean-Baptiste Sialelli
Connaissez-vous la Belle de Brillet ? Moi, j’avoue que je ne connaissais pas très bien le produit avant ma rencontre avec M. Jean-Baptiste Sialelli, directeur exécutif de la Maison Brillet chez Rémy Cointreau, lors de son passage à Montréal en septembre 2024. La marque, depuis son rachat par la grande maison de cognac en avril 2020, a évolué et est devenue encore plus populaire sur les tablettes et dans les différents établissements. Elle sera sans doute bien présente dans vos cocktails d’automne ou bien lors des Fêtes de fin d’année. Découvrez-en plus avec moi sur la marque qui célèbre son 40e anniversaire en 2025 !
Une histoire de famille qui perdure

Si je parle de Belle de Brillet aujourd’hui, c’est qu’il y a une excellente raison : ça fait près de 40 ans que ça existe ! Jean-Baptiste Sialelli confirme : « Exactement, on est à l’orée des 40 ans de Belle de Brillet et Jean-Louis Brillet, dixième génération qui a créé La Belle de Brillet en 1985. »
C’est quand même jeune comme produit, mais M. Sialelli précise que l’histoire familiale remonte bien plus loin : « C’est à la fois jeune, mais la famille Brillet est installée en Charente depuis dix générations, on est le premier père fondateur, je peux m’exprimer ainsi avec Guy Brillet en 1656. Et puis ce sont des gens qui étaient vignerons et de fil en aiguille, ils sont devenus à la fois producteurs et ils ont voulu développer leur propre marque de cognac et de Pineau des Charentes. Ils ont ouvert leur première entreprise en 1850, et la maison familiale date à peu près de cette époque-là, à Graves-Saint-Amant, un petit village qui est niché sur le bord du fleuve Charente, en plein cœur de la région de Cognac. Et donc, Jean-Louis Brillet, dans les années 80, a décidé d’étoffer un petit peu son offre pour rejoindre un autre type de clientèle, en ayant cette idée de créer la Belle de Brillet en mélangeant la poire et le cognac. »

Il explique ensuite l’origine de ce mariage entre la poire et le cognac : « Pourquoi la poire ? Parce qu’en fait, tout simplement, dans le verger, au fond du jardin, il y avait des arbres fruitiers, pommes, poires. Et sa grand-mère faisait souvent des tartes comme poires. Et donc il y est venu pour l’idée de s’associer à ce type de fruits là. Et donc ça lui a rappelé la poire. Donc, poire et cognac, ça vient vraiment de sa grand-mère, des recettes, un peu de sa jeunesse qui voulait quelque chose de très fruité associé au cognac pour avoir un goût plus abordable, plus facile. »
L’origine romantique du nom Belle de Brillet

Curieux de connaître l’origine du nom, je lui ai demandé d’où venait cette appellation « Belle de Brillet ». M. Sialelli raconte une histoire touchante : « Le nom de Belle de Brillet vient tout simplement de l’âge du prénom de son épouse, qui s’appelle Isabelle et qu’il a coutume d’appeler ma belle. Du coup, ça a été très romantique en hommage à son épouse, il a décidé de l’appeler ce nouveau produit, Belle comme son épouse, d’où le nom Belle de Brillet. »
Un processus de fabrication unique

Quelle magnifique histoire ! En plongeant dans la fabrication du produit, je voulais savoir quel en était le processus. Est-ce que c’était un peu comme la Poire Williams ? La réponse de M. Sialelli est catégorique : « Non du tout ! On prépare aujourd’hui un produit qui est 100 % issu d’ingrédients naturels. L’idée, c’est vraiment d’utiliser des matières premières nobles pour un produit noble à la fin. »

Il détaille ensuite la composition : « Donc on a trois ingrédients clés : la poire qu’on travaille en eau-de-vie, donc on a une eau-de-vie de poire. On obtient ensuite une eau-de-vie de raisin qui devient le cognac mentionné plus tôt, et qu’on associe à de la vanille fraîche de Madagascar. Donc, ces trois ingrédients associés permettent de créer la Belle de Brillet. »
Quand on parle de poire, on a souvent la Poire Williams en tête. Les gens ont-ils tendance à mélanger les deux produits ? M. Sialelli apporte des nuances importantes : « Alors, le fruit qu’on distille c’est effectivement de la Poire Williams et c’est vrai que, dans pas mal de pays dont la France, il y avait cette tradition de la Poire Williams en digestif, mais ce sont des eaux-de-vie qui sont relativement élevées en taux d’alcool, donc les gens se détachent, ils se détournent un peu de ce type de consommation vie plus traditionnelle et assez forte en alcool. Et du coup, avec Belle de Brillet, on retrouve le plaisir de la poire dans ce moment de consommation qui peut être le digestif. Car on a un degré alcoolique qui est assez bas, qui ne fait que 30 degrés (30 %), donc si c’est tout léger, là majorité des alcools c’est plutôt 40 degrés (40 %) et donc là, nous sommes sur quelque chose qui garder le goût de poire, très fruité, très intense, mais de manière beaucoup plus abordable en termes de palais. Voilà. Et donc, on retrouve ce plaisir poire. »
Le parcours de Jean-Baptiste Sialelli

Curieux de connaître son parcours, je lui ai demandé d’où venait son arrivée à la Maison Brillet. Il répond : « Moi, j’ai toujours travaillé dans les vins et spiritueux, c’est mon parcours. Je trouvais que le produit et le projet étaient formidables. Quelque part, l’idée de faire connaître le produit à l’international, de le redévelopper. Donc voilà, j’ai eu l’occasion après de présenter tout cela aussi avec Jean-Louis Brillet. »
Bien que la marque soit maintenant détenue par Rémy Cointreau, la famille est-elle encore présente ? M. Sialelli explique les liens maintenus : « Oui, pas en termes d’actionnariat, mais on partage tout avec eux parce que c’est important. Ils ont l’histoire, oui, mais je pense qu’on ne construit rien sans vraiment bien comprendre l’histoire. Donc c’était important pour moi dès le départ de beaucoup échanger avec Jean-Louis, qui habite toujours le village Graves-Saint-Amant, et ça permet d’échanger avec lui pour qu’on puisse comment il a eu l’idée du produit, pourquoi ça fonctionnait, de comprendre pourquoi ça a fonctionné ici, au Québec, pour essayer de faire évoluer les choses tout en restant dans la tradition. Moi, je dis souvent qu’à la fois tout a changé, la forme de la bouteille un petit peu par rapport au lancement, les étiquettes ont un peu évolué, mais finalement on n’est pas si loin de ce qui a été fait auparavant. Pour moi, c’est un peu une remise au goût du jour. »
Une versatilité en mixologie
M. Sialelli poursuit en évoquant les possibilités en cocktail : « Et après, vous voyez, c’est un produit aussi bien sûr qu’on peut utiliser, en cocktails, comme des “long drinks” à base de Belle de Brillet. Comme par exemple, le cocktail Belle Bulle avec Belle de Brillet et Prosecco. Sinon, on travaille également beaucoup avec les barmen. »
Lors de son passage, il y avait justement une compétition, n’est-ce pas ? M. Sialelli confirme avec enthousiasme : « Oui, exact, nous avions une compétition avec les top barmen, car, en termes de mixologie, cet ingrédient poire, c’est quelque chose qui manque un peu dans l’univers du bar en termes de goût. On l’associe à énormément de choses, de cocktails ça permet de twister les cocktails avec cette poire que l’on peut marier avec des épices, j’ai vu une personne, le gagnant du concours, qui a travaillé avec l’idée du fromage. Un très bon drink ! »
Il ajoute : « Voilà, en termes de substitut pour tout ce qui est sirop de sucre, en utilisant les “sours” dans les Collins, on substitut avec la Belle de Brillet pour avoir cette touche poire. En même temps, cette sucrosité qui va venir apporter de la subtilité au drink. »
Le retour en force sur les marchés
La popularité de Belle de Brillet semble renaître. Comment le produit est-il revenu dans les habitudes après quelques années dans l’oubli ? M. Sialelli explique la stratégie : « Alors c’est vrai que le Québec a toujours été un marché très fort. Historiquement, c’est le marché numéro un et on s’est dit si ça fonctionne au Québec, pourquoi ça ne fonctionnerait pas ailleurs ? En fait, il y a une ambition aujourd’hui de développer la marque à l’international, sur tous les marchés cocktails, donc les marchés nord-américains, donc les États-Unis. Il y en Europe, on a la Grande-Bretagne et puis il y a des marchés ouest-européens comme la France ou l’Allemagne qui sont des marchés traditionnels. »
Effectivement, l’Allemagne avec la poire, c’est classique ! M. Sialelli acquiesce : « Oui, l’Allemagne avec la poire, la Suisse. Donc, on a ouvert ces marchés-là. Voilà, je pense que le concept est génial. Si ça fonctionne ici, il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas ailleurs. Et on a apporté une nouvelle réponse. Il y a des éléments de fond qui existent, qui font que les gens boivent peut-être moins, mais mieux. »
C’est vraiment un mouvement de plus en plus important ! M. Sialelli poursuit : « On est sur un produit de qualité. Il y a cette notion de poire qui est bien traitée, qui a un goût qui est très consensuel, comme la vanille. Voilà, on est pas sur une niche. Et puis mon troisième élément, en fait, est que l’on croit tout simplement en la qualité du produit. »
Les accords et moments de dégustation

Le produit est intéressant, et je voulais savoir comment M. Sialelli préférait le consommer. Il partage ses préférences : « Pour moi, en fait, à l’apéritif, j’aime bien le boire sous forme de cocktail. Voilà. Donc, une Belle Bulle, ça fait un super cocktail. Le Spritz par exemple, j’aime beaucoup en apéritif parce que c’est léger, c’est facile. Finalement, en réduisant, en mettant des eaux gazeuses ou du prosecco, on a maintenant un cocktail qui fait 6 ou 7 degrés (6-7 %), ce n’est pas très très fort, c’est facile à boire et rafraîchissant. »
Il poursuit : « Et après j’aime bien le déguster moi personnellement, après repas sur glace. En accompagnement, je trouve ça intéressant sous forme de pairing, ça peut être sur du fromage par exemple. Ouais voilà, sur des fromages type Comté, des pâtes molles assez fortes en croûte, une tomme, ça fonctionne bien. »
Et avec le bleu, un classique avec la poire ? M. Sialelli confirme : « Oui, ça fonctionne bien ! sonne bien mal avec un bleu. Sur notre compte Instagram, nous avons quelques recettes de pâtisseries, des desserts. On a aussi créé des recettes avec des amis de la Maison et avec une jeune pâtissière, Lauryne Hervé, qui travaille bien, qui aime le produit, qui fait des choses simples et très, très belles. Par exemple, elle a fait un fraisier, avec la Belle de Brillet ou sinon on y trouve des recettes chocolat avec la Belle de Brillet. »
Chocolat poire, c’est un classique quand même ! M. Sialelli approuve : « Oui, c’est une association naturelle en fait. Je pense que notre alcool est un produit effectivement qu’on peut travailler en restauration. Sur des plats salés et sur un moment dessert. C’est un produit qui est assez réconfortant, donc ça fonctionne bien en fin de repas. »
La gamme de produits
Quand on entend Belle de Brillet, on pense bien souvent qu’à un seul produit. Y a-t-il d’autres produits dans la gamme ? M. Sialelli répond : « Oui, on a aussi du cognac et du Pineau des Charentes. »
Mais pour la Belle de Brillet, il n’y a pas une Belle de Brillet ambrée ou quelque chose du genre ? Il précise : « Non, il n’y en a qu’un seul et unique. Et les autres produits, on les vend à la Maison Brillet pour les gens qui viennent nous voir. Les gens font de plus en plus d’œnotourisme et on leur propose de plus en plus de spiritueux, ça nous permet de faire vivre l’expérience de Brillet et en plus d’avoir des produits locaux en plus de notre cognac et de notre Pineau des Charentes quoi. »
Ma mère est vraiment une amatrice de Pineau des Charentes et je trouve que c’est quand même fascinant de voir que le Québec soit aussi passionné du Pineau des Charentes et de Belle de Brillet en même temps. M. Sialelli explique ce phénomène : « Je pense que les gens ici, ils aiment vraiment le goût doux, le sucré, le côté poire. Ce qui a fait le succès du produit, c’est sa forme de bouteilles assez distinctive. Et puis, ce qui a fait le succès du produit aussi, c’est grâce à l’implication de Jean-Louis Brillet qui, durant de nombreuses années à la barre de l’entreprise, est venu rencontrer les différents responsables de magasin de la SAQ, c’est un génial ambassadeur de la marque en fait. »
Un positionnement unique dans l’univers des spiritueux
La Belle de Brillet est vraiment intéressante comme produit. Je pense qu’elle entre dans un beau développement, apportant une nouvelle saveur aux cocktails qui demeurent souvent dans la même palette de goût. La poire, ce n’est pas quelque chose que l’on voit dans les cocktails présentement, malheureusement. Sauf peut-être la Grey Goose aromatisée à la poire, il n’y en a pas beaucoup.
M. Sialelli partage cette analyse : « Tout à fait, tout à fait. Mais c’est vrai que d’un point de vue opportuniste, on trouve un peu tout le monde dans le monde du bar, il y a souvent un produit associé à un goût et c’est vrai que sur la poire, finalement, il n’y a pas vraiment d’acteurs et c’est une belle opportunité pour nous pour tous et pour nous, parce que, encore une fois, c’est un goût qui plaît et on peut l’associer à plein de choses très différentes ici. »
Ce qui est intéressant, c’est que le cognac a une énorme barrière à l’entrée, puisque c’est un alcool très fort, alors que la Belle de Brillet est plus accessible avec son pourcentage d’alcool plus bas, et encore plus en cocktail. M. Sialelli abonde dans ce sens : « Oui, avec un degré alcoolique de 30, ça permet d’avoir une accessibilité produit peut être un peu plus importante que d’aller trop fort en alcool, c’est sûr, mais ça permet aussi d’élargir sa base de clientèle. Pour moi, c’est un produit à la fois masculin et féminin. »
La saisonnalité des ventes
Alors que l’automne arrive, le produit connaît-il une saisonnalité au niveau des ventes ? M. Sialelli confirme : « Oui, comme beaucoup de spiritueux, le dernier trimestre de l’année. Mais, en fait je crois que, traditionnellement, les gens dans les spiritueux regarnissent un peu leur bar pour les fêtes de fin d’année. Il y a les achats cadeaux et, avec notre belle forme de bouteille, ça s’offre très bien. Donc c’est vrai que, comme tous les spiritueux, on a un peu un peak sur la fin d’année. »
La dégustation de la Belle de Brillet
Je passe maintenant avec M. Sialelli à la dégustation du produit en différentes étapes. Il commence par expliquer le processus : « Le produit se présente de cette façon, on a un processus de distillation très traditionnel puis on a la poire Williams, puisque c’est la plus aromatique, elle est cueillie au mois d’août, on la laisse surmûrir et, une fois qu’il y a eu surmaturation, on a un bon taux de sucre. Il y a une fermentation naturelle qui se crée. Préalablement, bien sûr, on a enlevé tout ce qu’il faut (peau, pépins, etc.) pour avoir une bonne compote de poire. Cette dernière va fermenter d’elle-même, ce qui va créer une sorte de jus de poire assez liquide, mais avec déjà de l’alcool. Et après c’est cet alcool qu’on va distiller dans un alambic continu. C’est un alambic très haut qui fait 30 mètres de haut. Un alambic à plateaux, ça nous permet de tirer la quintessence de l’arôme poire et on en tire une eau-de-vie de poire. Une bonne partie de ces dernières proviennent de la région d’Anjou, dans l’ouest de la France, car c’est une terre d’arboriculture, avec énormément de vergers. »
Il montre ensuite le cognac : « Ici on a le cognac, finit en fin bois, car nous désirons un cognac très léger qui va bien s’harmoniser avec la poire. »
C’est un cognac qui n’est pas vieilli en fait, je remarque. M. Sialelli précise : « Exact, ou très peu, pour justement ne pas avoir ces notes trop boisées qui briseraient l’harmonie. On le distille sans lie, ce qui nous permet d’avoir ce goût léger. »
Il continue : « Ensuite, on utilise de la vanille fraîche, que l’on fait infuser avec du sucre et de l’eau pour créer un sirop de vanille naturel. »
« Et après du coup, on assemble ces trois produits et vous avez Belle de Brillet. Après, pour ramener à 30 degrés, on fait une réduction. »
Oh ça sent bon ! Et c’est délicieux. M. Sialelli décrit les notes de dégustation : « Au nez, On va retrouver vraiment l’intensité de la poire, la fraîcheur, l’intensité de la poire. Et en bouche, on est plus sur le côté, un peu Cognac et un bon équilibre et on va terminer sur une finale un petit peu vanillée. »
C’est magnifique, car c’est riche en bouche. M. Sialelli ajoute un détail important : « Et donc, en fait, on travaille qu’avec des produits naturels, il n’y a pas d’alcool neutre (NGS — Natural Grain Spirit ou Alcool de grain neutre), car tout l’alcool vient du cognac brut, chaud, magnifique. »
C’est vraiment un produit plaisant en bouche, chaud, présent. J’imagine ceci dans un soir, par exemple, car il y a quand même beaucoup de corps. Monsieur Sialelli est d’accord : « Bien sûr, dans un whisky sour, on peut effectivement remplacer le sucre par la belle de Brillet. »
Quelle belle idée !
Conclusion
C’était vraiment plaisant de redécouvrir la Belle de Brillet avec M. Sialelli et d’en apprendre davantage sur ce produit unique qui conjugue tradition familiale et innovation.
