Climats de Jean-Sébastien Giguère : Un livre de cuisine adapté aux saisons
Alors que nous sommes en pleine COP15 à Montréal, c’est du livre Climats de Jean-Sébastien Giguère et Hugo Duchesne dont je vous parle. Il y a tout de même un lien entre le titre et la biodiversité. Découvrez ma rencontre avec M. Giguère, chef exécutif du restaurant H3 et du Coureur des Bois.
L’idée derrière le livre
Essayons de trouver la genèse du livre Climats par Jean-Sébastien Giguère, on cherche un peu à savoir d’où vient l’inspiration, c’est d’ailleurs ma première question pour M. Giguère. «Alors que j’ai participé activement à l’écriture du livre du Toqué en 2009 avec Charles-Antoine Crête et Normand Laprise, je voulais faire mon livre à moi sur une année complète. Le concept est de deux choses: de un, qu’est-ce qui ne s’est pas fait au Québec en matière de livre de cuisine, je cherchais donc à faire quelque chose de complet, et de deux, comment faire pour que les gens qui reçoivent puissent profiter de mes trucs, donc de A à Z, c’est moi qui l’ai fait et je l’ai même fait tester par ma mère pour s’assurer que tout soit facile à répéter. Elle me disait par exemple: ceci est trop salé, le temps de cuisson n’est pas le bon dans mon four, etc.»
Et le concept est finalement: «Tu es le chef à la maison, tu as mes astuces, et sur un an, afin de travailler avec les produits de saison qui viennent d’ici le plus possible. Et si jamais les gens ne trouvent pas les produits, je donne des alternatives.»
Ce concept des saisons et le local, c’est quelque chose qui tient à cœur énormément au chef du H3 et du Coureur des Bois. «Souvent, les gens disent que l’hiver est plate, car il n’y a que des légumes racines, mais c’est tout faux et il y a autre chose que de faire des récoltes, car beaucoup d’entre nous sont occupés et n’ont pas le temps. Je conseille, dans les recettes soit d’en faire un petit peu plus pour le congeler, le conserver pour une autre recette, je veux faciliter la vie des gens. Également, pour certains produits, comme le crabe ou les asperges, la saison est très courte. On arrive avec 4 entrées, 9 plats et 2 ou 3 desserts par saison.»
Les défis du livre Climats par Jean Sébastien Giguère
Quand on se lance dans un projet comme Climats, qu’est-ce qui est difficile? «Au départ, j’avais beaucoup trop de recettes, soit plus de 100 recettes avec 5-6 sous recettes, c’était rendu au format d’un livre de 600 pages! Donc j’ai mis ce qui me semblait logique, soit le poisson, la viande, les légumes, des plats véganes, etc. j’ai voulu toucher à tout.
Le côté accords est un des points forts du livre, pourrais-tu nous en dire un petit peu plus? J’ai dit à Hugo (NDLR. Duchesne, qui a maintenant joint le groupe Hoogan et Beaufort), je veux que les gens comprennent quel est le rôle d’un sommelier dans un restaurant. On ne suggère pas des vins précis, mais plutôt des types de cépages, et l’on y va chaque fois avec 3 choix, en accord avec le budget des gens. Et ils expliquent également certains termes qui peuvent aider les gens en matière de sommellerie, on parle de vin du Québec (d’ailleurs, leur groupe de restaurants est une des plus grosses références en vin du Québec). Un livre de cuisine c’est quoi? C’est de l’hospitalité, c’est de la gourmandise, du plaisir et ça va bien avec le vin!», ajoute le chef.
Quelle influence a eu ce livre sur sa cuisine, est-ce que ça a changé quelque chose? Le chef me dit que le tout a apporté une meilleure synergie, et comme il a dû tout faire le tout un an d’avance, ça a changé énormément de choses pour lui avec le calendrier de disponibilité des produits. D’ailleurs, toutes les photos, signées Matt Ayotte, sont celles des produits réels, dont le thon qu’il a pêché en Gaspésie, les asperges de Nicole de St-Jean sur le Richelieu, etc.
Est-ce qu’il y a une recette dans le livre que tu voulais absolument et qui t’a donné plus de difficulté? «Oui, l’Arlette, une pâte feuilletée que tu aplatis et que tu roules comme un boudin, que tu refroidis et coupes ensuite une fois ferme et que tu aplatis une seconde fois entre deux papiers sulfurisés et que tu cuis sous pression pour que ce soit très croustillant. Je fais le tout avec une crème molette et du poivre des Dunes (du Québec), une poire pochée avec un sirop d’épices d’ici. La recette est simple, elle est simple dans ma tête, mais l’écrire, ce fut difficile. Avec l’éditrice, on ne se comprenait pas dans la technique. Mais finalement, elle est dans le livre,» conclut le chef. Ce genre de réflexion a poussé le chef à simplifier ses explications à son équipe en cuisine lorsqu’il présente des recettes. Ça le pousse également à essayer de nouvelles choses qu’il n’a pas nécessairement le temps de faire en restaurant comme les magrets de canard et clémentines qu’il a laissé reposer une nuit, ce qui a amplifié la saveur de ces derniers d’une manière incroyable, technique qu’il compte tester cet hiver.
Est-ce que tu as une recette préférée dans le livre? «C’est tout le livre, je suis une personne qui change énormément ses menus dans les restaurants. Ce que j’ai mis dans le livre ce sont des recettes que j’ai appris à aimer et que je voulais partager avec les gens.» J’essaye d’obtenir la réponse d’une autre façon en lui demandant s’il y a une recette qu’il n’aurait pas pu enlever. Il me répond tout de suite «Mon cavatelli que je fais à base de ricotta et non de pommes de terre. Tous les gens qui le commandent reviennent pour le reprendre. J’ai énormément de pâtes, car je suis à moitié italien. Le beigne qui est à la base est une recette un peu facile et un peu plate, où l’on retrouve la balance parfaite entre l’acidité et le sucre, le côté croustillant, mais pas trop et le moelleux à l’intérieur, c’est juste parfait.» Une recette à voir dans le livre Climats par Jean-Sébastien Giguère.
Le magnifique livre Climats de Jean-Sébastien Giguère et Hugo Duchesne est offert dès maintenant chez Indigo et plusieurs autres librairies.