Champagne Telmont : Faire du champagne différemment
C’est à la fin de l’été, et encore à la Grande Dégustation de Montréal plus récemment que j’ai eu l’occasion de déguster le champagne Telmont. J’ai également eu la chance de m’entretenir avec le président de l’entreprise, M. Ludovic du Plessis, alors que nous nous trouvions à quelques semaines des vendanges. Ça serait un euphémisme de dire que mon interlocuteur connaît l’industrie des vins et spiritueux alors qu’il a débuté sa carrière comme stagiaire aux ventes chez LVMH à la fin des années 90, pour la poursuivre chez Sopexa et Altadis pour revenir chez LVMH et ensuite se retrouver chez Rémy Cointreau comme directeur général mondial pour la marque de cognac Louis XIII ! C’est tout un parcours dans l’univers du luxe pour ce gentleman ! Découvrez-en plus sur l’homme et son magnifique produit lors de notre conversation.
Normand Boulanger : Si vous me permettez, pour commencer, je dois dire que j’ai eu la chance de déguster le Réserve Brut, celui que l’on retrouve au Canada avec le Rosé, et c’est magnifique. La bulle est fine, c’est délicieux. Franchement, bravo !
Ludovic du Plessis : Merci, Normand, tu sais que tout ce que l’on va se dire aujourd’hui n’a du sens que si le vin est bon. Si le vin n’est pas bon, on n’a pas cette conversation. Et tout part du vin. On dit, chez Telmont, que le vin est bon si la terre est belle. Et c’est pour ça qu’aujourd’hui je suis derrière Telmont. Je ne sais pas si vous connaissez la genèse derrière l’histoire de Telmont, mais je vais vous la raconter.
Mon intérêt pour le champagne vient du fait que j’ai travaillé pour Dom Pérignon pendant 10 ans, et ensuite, le groupe Rémy Cointreau m’a appelé pour devenir président du cognac Louis XIII, et j’ai donc accepté pour un mandat de 7 ans.
Après ces 7 années merveilleuses, je me suis demandé ce que je voulais faire de ma vie. Et moi, qui aime le champagne, je voulais lancer ma propre entreprise, mais une entreprise qui a un sens. Du coup, j’ai pris mon vélo, un Brompton, et je suis parti en Champagne dans le but d’acheter une maison de champagne. Dans mon esprit, j’avais 4 cases à cocher pour trouver la bonne. Je voulais une maison qui possédait une histoire incroyable, Telmont est né en 1912 de la révolution champenoise de 1911. Deuxièmement, j’en voulais une qui soit encore une entreprise familiale, mon partenaire, Bertrand Lhôpital, qui demeure Chef de Cave et Responsable de viticulture, est celui qui fait le vin et il est de la 4e génération de la famille. Troisièmement, que les vins soient incroyables, c’était vraiment bien, une bonne tension, belle minéralité, qui a un vrai corps, pas lourd, très aérien, une longue finale en bouche, de fines bulles. Et la 4e case, je devrais trouver une maison qui avait commencé sa conversion en agriculture biologique.
NB : Pour le dernier critère, ça n’a pas dû être facile à trouver !
LdP : En effet, il n’y en a que 5 % d’agriculture biologique en Champagne, c’était quasi une mission impossible ! Et chez cette maison, Telmont, Bertrand (Lhôpital, mentionné plus haut), a cette philosophie et avait déjà commencé l’agriculture biologique. Donc, on s’est associé. J’ai présenté le projet au groupe Rémy Cointreau, mon employeur, dans le but de faire le meilleur de la Champagne, sans compromis d’un point de vue environnemental. Ils m’ont dit : « On embarque. »
Aujourd’hui, nous sommes quatre partenaires : Le Groupe Rémy Cointreau (actionnaire principal), moi-même (actionnaire et Président / PDG), Bertrand Lhôpital (actionnaire et Chef de cave) ainsi qu’un ami de longue date, Leonardo DiCaprio (actionnaire minoritaire).
NB : Il est quelque peu connu votre dernier actionnaire.
LdP : M. DiCaprio, ce n’est pas un ambassadeur, ce n’est pas le visage de Telmont, c’est un actionnaire. C’est beaucoup plus fort pour nous qu’un porte-parole. Vous devez comprendre également que ce n’est pas un champagne de célébrité. La raison pour laquelle il est investisseur, c’est qu’il est porte-parole aux Nations Unies de la notion de changement climatique. C’est lui, Leonardo, qui a mis dans ma tête la graine environnementale il y a 15 ans. Il m’envoyait des textos : « Ludo, watch this movie, watch this documentary, etc. » et donc c’est monté dans ma tête et c’est pour cette raison qu’il y a 4 ans, j’ai dit : « Faisons le meilleur champagne, sans compromis en ce qui concerne la durabilité ». Et ces décisions, nous les avons prises en 2021, pas demain, on a fait ça hier.
Ce que l’on a fait c’est un projet que l’on a baptisé « Au Nom de la Terre », les éléments clés sont que ça commence par le sol. Et quand on parle de biodiversité en Champagne, ça veut dire que l’on plante des arbres, on a des couverts végétaux, ce qui améliore la biodiversité. Et ce que l’on dit chez Telmont, c’est qu’il ne faut pas s’arrêter là ! Il faut arrêter les herbicides, les pesticides et les fongicides, en d’autres mots, arrêter toute la chimie de synthèse et passer en agriculture biologique. Nous le faisons sur notre domaine, soit 25 hectares, et on le fait également avec nos partenaires vignerons et ça, c’est 75 hectares, dont 70 % sont en agriculture biologique.
La chance que l’on a, et je le dis chaque année, c’est qu’en Champagne, on a la réserve climatique. Lors des mauvaises années, nous pouvons piger dedans. C’est une assurance, une sécurité que les autres régions de France n’ont pas. C’est d’ailleurs pour ça que je dis, notamment parce que l’on a cet avantage, on devrait tous passer en agriculture biologique.
Cette façon de faire les choses est bonne pour la planète, pour la santé et pour le vin. C’est bénéfique, ça apporte de l’énergie au vin, c’est un vin qui est plein de vie, c’est un vin heureux !
NB : J’imagine que ce n’est pas tout ?
LdP : Non, il y a aussi l’empreinte carbone de la Maison. On a pris des décisions importantes. On a dit, en juin 2021, on arrête les coffrets-cadeaux, on arrête les éditions limitées. Le meilleur emballage consiste à n’avoir aucun emballage. Juste en enlevant l’emballage, on réduit de 8 % l’empreinte carbone de la Maison. On m’a dit que j’allais perdre des ventes et j’ai répondu : « Non, c’est une question d’éducation ! ». De toute façon, si tu es une vraie marque de luxe, tu te dois d’être irréprochable à un point de vue environnemental, tu ne vas pas attendre 5 ans que ton client te dise d’en faire plus pour l’environnement, c’est toi qui dois montrer l’exemple aux clients.
Ensuite, toujours dans l’objectif de réduction de l’empreinte carbone, 30 % de l’empreinte de la Maison, c’est le poids de la bouteille. On a fait le tout en quatre étapes. On a arrêté de prendre la bouteille sur mesure (900 g) pour aller vers la classique bouteille de champagne (835 g). Seconde action, on s’est demandé si l’on pouvait faire une bouteille plus légère. Il faut faire attention, car on a deux fois la pression d’un pneu dans une bouteille de champagne, donc il faut être prudent avec le verre. Nous sommes donc allés voir Verallia, le fabricant de bouteilles en verre, ils nous sont arrivés avec une bouteille de 800 g. On l’a essayé, et la bonne nouvelle c’est qu’elle ne casse pas ! Nous avons laissé le brevet ouvert à tous. Ensuite, nous avons éliminé les bouteilles transparentes (Rosé et Blancs de blancs), car elles ne peuvent être faites de verre recyclé alors que la bouteille verte, c’est 87 % de verre recyclé. Ensuite, le manufacturier, quand il fait des bouteilles, il doit les faire selon certaines spécifications de couleur, sinon elles sont retournées, fondues et refaites. Nous avons pris ces bouteilles (193 000) pour y mettre notre champagne, en appelant ce projet « 193 000 nuances de vert ». Donc, toutes les bouteilles de Telmont auront un vert un peu différent. Par la suite, nous avons arrêté les envois par avion, ils sont 47 fois plus polluants que par la route ou par bateau.
On a publié le tout dans un guide que l’on peut trouver sur notre site. On ne dit pas que notre projet est parfait. On y va pas à pas avec beaucoup d’humilité. On ne veut pas être carboneutre, on veut être zéro émission nette. Et d’ailleurs, Telmont est étudié dans les universités françaises pour ces différentes actions.
NB : Si l’on revient à la bouteille elle-même, ce qui est intéressant, c’est qu’elles sont toutes individuellement numérotées.
LdP : En fait, l’étiquette avant du produit, c’est l’identité de Telmont. En tant que client, on veut que vous sachiez combien de bouteilles sont produites. C’est différent si l’on en fait 40 millions ou 200 000. Elles sont effectivement numérotées individuellement. Ensuite, c’est très important pour nous de montrer le sucre, le dosage. Tous les clients qui achètent une bouteille de champagne devraient se poser cette question par rapport au sucre dans la bouteille. Aujourd’hui, le client cherche un champagne droit, qui communique les informations.
NB : Si je reviens à ce que l’on parlait plus tôt, au début des années 1900, l’agriculture qui était pratiquée, elle était biologique, donc ce retour à la terre est un retour aux sources n’est-ce pas ?
LdP : C’est vrai. Ce sont ces deux guerres mondiales qui ont apporté tous ces ingrédients chimiques. Avant, il n’y en avait pas, et ça fonctionnait très bien. On n’a pas réinventé la roue, ce sont des décisions de bon sens, de bon sens paysan. On pense, chez Telmont, que le vin est bon que si la terre est belle.
NB : Quand on est, comme vous, à la tête d’une entreprise comme Telmont, l’actionnaire principal, le Groupe Rémy Cointreau, doit vous demander des chiffres, une certaine rentabilité, un profit non ?
LdP : (Rires). Je suis actionnaire, Leonardo DiCaprio l’est également. Et nous visons une croissance positive. On augmente la production évidemment. Et toutes les bouteilles seront numérotées. Est-ce que, demain, on passera à 500 000, 600 000 bouteilles ou plus, je ne le sais pas ? Mais ce que je sais, c’est que l’on va y aller à notre rythme tout en gardant la même qualité et la même transparence pour le client qui veut savoir ce qui se passe. Notre objectif n’est pas de faire 10 millions de bouteilles demain, mais c’est de faire du bon champagne, sans herbicides, sans pesticides et sans chimie de synthèse tout en ayant un effet bénéfique pour le vin.
NB : C’est vraiment une magnifique bouteille, un magnifique champagne, une bulle différente, petite et avec tellement d’énergie en même temps.
LdP : Oui, il y a toute cette texture qui est là, qui est présente, qui est très discrète, et cette énergie, comme vous dites, est produite par le fait que ce soit très aérien. Ce n’est pas lourd, et ça peut être dangereux, car un verre en appelle un deuxième, un troisième, etc.
NB : Par contre, c’est bon pour les ventes (Rires)
LdP : (Rires), ah oui, mais nous sommes en allocation, donc on développe plusieurs marchés, comme le Japon, surtout à Kyoto, qui a un marché à grand potentiel, mais qui est également dans la transparence, qui aime notre étiquette, qui aime avoir les informations ainsi que notre esprit de durabilité. Nous sommes également à New York, Los Angeles, et Miami. Et Leonardo est très fier de ce que l’on fait. Il nous pousse, il n’est pas là que pour mettre son nom, il veut des actions de notre part.
Et l’on entre au Canada cet automne. Je suis très content d’arriver au Canada, car nous sommes dans un pays qui est en avance sur le reste du monde sur les questions environnementales. Et donc, c’est pour moi, un marché prioritaire, et j’espère pouvoir y venir personnellement très vite pour porter la bonne nouvelle. Je crois que le marché sera très réceptif au message de Telmont et à ce style de vin.
NB : C’est un champagne qui provient de l’agriculture, mais c’est aussi un excellent champagne. Parfois, certains vins biologiques nous laissent un peu sur notre soif, alors que ce n’est pas du tout le cas pour le champagne Telmont.
LdP : À la fin, encore et encore, si le vin n’était pas bon chez Telmont, on n’aurait pas cette conversation. Nous avons les amis de Telmont, une sorte de collectif qui se crée autour de Telmont que les gens ont envie de partager. Parmi eux, il y a un navigateur nommé Romain Pilliard, il a acheté le trimaran d’Ellen MacArthur qu’il a remis à neuf selon les principes de l’économie circulaire avec un projet nommé « Use It Again » et il fait le tour du monde. Il m’a appelé et dit, je veux avoir un champagne durable que je puisse ouvrir quand je vais passer la ligne d’arrivée au Cap Horn. Je lui explique que je ne fais pas de commandite, il me dit, je veux seulement 3 demi-bouteilles pour célébrer la durabilité, c’est tout. C’est génial, j’ai dit oui. Il y a également un centre de villégiatures dans les arbres au Japon nommé Treeful Tree House qui, dans un esprit de durabilité encore une fois, servent notre champagne.
Comme je le mentionnais, c’est un collectif Telmont qui s’est créé autour de nous. Il y a des chefs Michelin étoiles vertes, une association à New York qui se nomme Chefs 4 Impact, un festival de cinéma qui s’appelle Cinema For Change, qui met en vedette des documentaires sur l’environnement, le pêcheur Mathieu Chapel et tout ce monde. On se réunit chaque année chez Telmont pour échanger.
NB : C’est intéressant de voir ce mouvement qui s’est créé naturellement.
LdP : Oui, totalement de façon organique.
NB : Revenons à M. DiCaprio, le fait qu’il soit connu et engagé dans les causes environnementales ne doit pas nuire à faire circuler le nom de champagne Telmont.
LdP : Si ça avait été n’importe qui d’autre, nous ne l’aurions pas pris, car, je le répète, ce n’est pas un champagne de célébrité. Il a investi non pas parce qu’il est un ami, mais parce que le projet est fort et qu’il veut nous aider à faire changer les choses. En Champagne, nous sommes un peu les enfants terribles, ceux qui veulent faire changer les choses. Et donc, Leonardo nous aide à faire passer ce message.
NB : Si l’on revient au départ, à l’ouverture de la première bouteille de champagne Telmont, comment le tout s’est-il passé pour vous ?
LdP : En fait, c’est une bonne question Normand. Comme j’ai mentionné plus tôt, je voulais acheter une Maison de champagne. Et j’y allais uniquement si elle cochait les quatre cases dont je vous ai parlé. J’espérais que les vins allaient me plaire. J’y vais, je goûte, et, comme toi, j’ai eu cet effet de superbe texture, de légèreté et de belle longueur en bouche et j’ai fait « wow » ! C’était le Réserve Brut. Ensuite, j’ai goûté le Rosé, le Blanc de Blancs, le Blanc de Noirs et ils étaient tous incroyables et j’ai donc été convaincu. Et ensuite, la grande fierté, c’est d’arriver dans un restaurant comme l’Oustau de Baumanière du chef étoilé Michelin Glen Viel, et d’y voir son champagne. C’est la même chose lorsqu’on va dans un marchand de vin.
NB : Parlant de fierté, qu’est-ce qui vous rend le plus fier d’être un des actionnaires de Telmont ?
LdP : Il y a deux choses qui me rendent fier chez la Maison de champagne Telmont, nous sommes 16 personnes, il y a 8 femmes et 8 hommes et ces personnes sont heureuses, car elles portent un projet qui a du sens, qui fait bouger les choses. Et la deuxième, c’est d’essayer des choses et de voir que ça fonctionne. On a pris des risques comme avec les boîtes-cadeaux, le poids de la bouteille, etc., et toutes ces actions sont étudiées dans toutes les universités françaises, et ça, c’est un énorme message pour la nouvelle génération. Et sans oublier que le vin est bon et, comme ça vient du sol, c’est bon.
NB : Merci, Ludovic, pour cette rencontre et pour votre temps lors de cette entrevue !
Le champagne Telmont est offert au Canada
- En SAQ : Réserve Brut et Réserve Rosé
- En LCBO : Réserve Brut
Pour plus de détails sur le champagne Telmont, c’est sur ce lien.
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