40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle : Entrevue avec l’auteur Roger T. Duguay

S’entretenir avec Roger T. Duguay, qui a coécrit 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle avec Érik Giasson, peut sembler intimidant. Si vous ne le connaissez pas, il est associé directeur du bureau de Montréal de Boyden, un cabinet de conseil en leadership et en recrutement de hauts dirigeants de renommée mondiale, et responsable de la pratique canadienne de recrutement de PDG. Ces fonctions peuvent sembler imposantes, mais il s’avère être un homme affable et généreux de son temps. Je le connaissais par l’entremise de M. Renaud Marguiraz, fondateur et directeur d’Éminence, une firme spécialisée en image de marque personnelle, qui a coécrit avec M. Duguay l’ouvrage Éviter les faux pas à l’ère numérique.
40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle : Un ouvrage provocateur.
L’ouvrage 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle propose une réflexion audacieuse sur les obstacles à la réussite. Contrairement à de nombreux livres qui magnifient l’échec, celui de Messieurs Duguay et Giasson offre un regard direct sur les erreurs à éviter. « Il existe une multitude de livres sur la réussite (M. Duguay en a d’ailleurs écrit un soit : DÉMARQUEZ-VOUS — Comment maximiser votre impact, toujours aux éditions La Presse [Acheter le livre ici]), concentrons-nous sur les actions à proscrire » mentionne t-il.
« La réussite est un concept vaste, dont les tenants et aboutissants sont connus. La littérature sur le sujet abonde, mais nous persistons dans nos erreurs. L’objectif est d’éviter les écueils majeurs. Dans le cadre de mon travail, je rencontre chaque année près de 1000 personnes en entrevue, des cadres supérieurs aux membres de conseils d’administration. Je suis témoin de nombreuses erreurs qui conduisent à des échecs professionnels, tels que des entrevues manquées, des offres d’emploi non obtenues ou des congédiements. Le but était donc d’aborder ces faux pas et d’aider certaines personnes à mieux réussir dans la vie », précise M. Duguay.
Ce point de vue est particulièrement pertinent dans un contexte où l’on entend souvent, notamment chez les jeunes générations, qu’il est nécessaire d’échouer pour réussir. Mon interlocuteur a tenu à apporter une nuance à cette idée : « Il est vrai que les entrepreneurs ayant connu des échecs significatifs en ressortent souvent plus forts sur certains aspects. Cependant, il est important de distinguer les échecs nécessaires des erreurs évitables. Il n’est pas indispensable de commettre des erreurs graves pour apprendre. Les échecs sont formateurs et renforcent la résilience, mais si nous pouvons en éviter certains, c’est l’objectif que nous avons voulu mettre en avant dans cet ouvrage ».
Il s’agit d’un point crucial. Alors que ce livre présente les perspectives de deux personnalités du monde des affaires, je me suis interrogé sur la nature de leur rencontre. « C’est lors de la sortie d’un de mes livres, alors que M. Giasson animait un balado [À écouter ici]. Il est venu m’interviewer au bureau et nous sommes devenus amis.
Lorsque j’ai eu l’idée de ce troisième livre, je l’ai appelé et lui ai proposé de séparer les règles en deux : je me chargerais de l’aspect professionnel, étant donné mon expertise, et il prendrait en charge l’aspect personnel. Écrire un livre demande du temps et du travail. Je voulais proposer un contenu pertinent et la collaboration rend le processus plus agréable », précise M. Duguay.
J’ai immédiatement fait remarquer que cela constituait également une façon de se challenger et de comparer les 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle. « Oui, c’est exactement cela. Nous aurions pu en proposer 30 ou 50, mais nous sommes arrivés à 40 pour cette raison. Nous nous sommes mutuellement challengés », ajoute l’associé directeur de Boyden à Montréal.
L’intérêt que l’on remarque en lisant les 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle réside dans le fait que, sans nécessairement blâmer les individus, vous leur offrez des pistes de solutions : si vous agissez de cette façon, vous pouvez changer. « C’est exact, il existe deux types d’échecs : ceux dont on apprend, dont on se relève, et dont on se dit que si l’on refait cette erreur une seconde fois, on est insensé. Il existe également d’autres types d’échecs que l’on ne réalise même pas et que l’on n’a pas besoin de faire », complète M. Duguay.
Passons maintenant à une partie plus axée sur l’entrevue.
J’ai vraiment voulu, dans cette partie, vous faire vivre nos échanges qui ont été très formateurs et m’en ont appris beaucoup sur la vision que M. Duguay a mis sur papier.
Normand Boulanger (NB) : Ce livre, oui, il peut être pertinent pour des personnes d’une quarantaine d’années comme moi, mais il s’adresse également à la prochaine génération, ceux qui n’ont pas encore commis d’erreurs. De plus, vous et monsieur Giasson mentionnez que certains de ces échecs peuvent être attribués à des traumatismes ou à d’autres expériences. Cela s’explique par le fait que nous pouvons parfois nous engager sur une certaine voie et, sans le vouloir réellement, nous retrouver dans une situation propice à l’échec en raison de notre passé et de nos expériences.
Roger T. Duguay (RTD) : Effectivement, vous avez tout à fait raison, de nombreux éléments de notre personnalité proviennent de notre développement personnel. La personne que nous sommes aujourd’hui est le fruit de milliers de petites décisions prises tout au long de notre vie. Personne n’a un parcours identique au nôtre. Par ailleurs, si j’avais lu ce livre à l’âge de 25 ans, j’aurais pu éviter certaines erreurs et aborder les choses différemment. Il est donc très pertinent pour un jeune professionnel ou un jeune adulte, même si ce n’est pas un jeune adulte au sens strict du terme.
NB : Malheureusement, vous n’auriez pas pu lire ce livre à 25 ans puisque vous venez de le publier (Rires).
RTD : (Rires) Oui, en effet, la plupart des gens n’ont pas suffisamment d’expérience à 25 ans pour avoir des opinions tranchées dans ce domaine. Il faut avoir traversé des épreuves. Je rencontre beaucoup de cadres supérieurs en entrevue, et j’apprécie ceux qui ont ces cicatrices, qui ont connu des moments difficiles, qui ont surmonté des obstacles importants et qui en ont tiré des leçons. C’est beaucoup plus intéressant que la personne parfaite issue de grandes écoles, qui occupe le même poste depuis 20 ans et qui n’a jamais rencontré de difficulté. Ce n’est pas intéressant, c’est ennuyant, car cela signifie qu’elle n’est pas outillée pour affronter les difficultés de la vie.
NB : C’est un point très pertinent, cette idée de percevoir l’imperfection comme une force. Je trouve cela fascinant.
RTD : Absolument, et il faut la canaliser. Le plus important, comme je le mentionnais déjà dans mon premier ouvrage, est l’authenticité. La conscience de soi est la chose la plus difficile à atteindre, car la plupart des gens se connaissent mal. Les gens pensent se connaître.
Si je vous demande de vous décrire, vous me ferez une liste d’environ 50 points, et je demanderai à tous vos amis ou à vos collègues de vous décrire. Ce ne sera pas la même chose, car nous avons une vision tout autre de nous-mêmes. Et ceux qui ont la meilleure corrélation entre leur perception d’eux-mêmes et la réalité ont une meilleure capacité à travailler sur leurs faiblesses, car oui, nous en avons tous, pour pouvoir les surmonter. Il suffit de les compenser et de les connaître.
C’est le plus important : connaître sa véritable faiblesse, pas des faiblesses d’entrevue, mais des vraies.
40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle : Miser sur son authenticité et non les faux défauts

Roger T. Duguay, coauteur du livre 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle
Photo : Boyden
Alors que l’entrevue se déroule et que je trouve de plus en plus utile le livre 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle, il me vient encore quelques questions sur le parcours et l’authenticité des gens face à ce qu’ils racontent.
NB : Je trouve ce sujet vraiment stimulant. Par contre, lorsque l’on écrit sur ce sujet comme vous le faites dans 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle, est-il difficile de décrire son propre parcours et ses expériences ?
RTD : Vous pensez ? Pas lorsque l’on a atteint une certaine maturité professionnelle et que l’on est bien à sa place. La problématique se pose lorsque l’on n’est pas bien. Admettons que l’on recherche un nouvel emploi, que l’on ignore ce que l’on souhaite faire dans la vie, que l’on désire changer de secteur d’activité, de partenaire, etc. Parfois, on va dire des choses pour plaire, pour tenter d’obtenir le poste, pour être un bon candidat, et cela manque de clarté. On n’est pas certain de ce que l’on souhaite raconter, de ce que l’on peut dire. On peut être totalement authentique, on peut le dire, mais est-ce vraiment le cas ?
Donc, lorsque l’on atteint un certain niveau dans sa carrière, on se dit : « OK, je pense que j’ai trouvé », cela s’appelle être sur son X. Lorsque l’on est sur son X, on peut s’émanciper et se dire : « OK, je peux être moi-même, apprendre de mes erreurs, en parler, être capable d’en tirer des leçons et de les accepter, de les nommer, sans les cacher. » En début de carrière, on les cache. On ne souhaite pas que les gens voient les erreurs que l’on a commises.
NB : Et dans ce cas, tous ceux qui vous rencontreront, lors d’entrevues, qui liront votre livre, diront qu’ils ont ce défaut-là ou celui-ci.
RTD : Mais il faut que ce soient de vrais défauts. Certaines personnes ont lu mes livres précédents et ont encore de la difficulté à parler de leurs vrais défauts. Pour deux raisons : soit elles ont de la difficulté à les identifier, soit elles pensent que cela leur nuira si elles les divulguent. On dirait que les gens cherchent à trouver un équilibre entre les deux. Juste un petit défaut qui n’est pas trop grave.
NB : Oui, ce que l’on constate souvent, c’est que les gens prennent un défaut et le présentent comme une qualité.
RTD : Je travaille trop fort !
NB : Oui, exactement, je travaille trop fort !
RTD : Mais dans ce cas, lorsque je rencontre une personne pendant deux heures en entrevue, vous pouvez être certain que je lui pose la question huit fois. Elle n’a pas le choix de dire la vérité, il faut que cela ressorte.
NB : Autrement, ils risquent de se contredire dans leurs mensonges.
RTD : Et je vous disqualifierai comme candidat. Si vous êtes trop superficiel, vous n’obtiendrez pas le poste. Lorsque je représenterai le client, je dirai que cette personne manque de conscience d’elle-même et qu’elle est incapable de parler d’elle. Vous n’êtes pas gagnant en restant vague.
40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle : Après les livres sur le succès, mettre le vraies raisons des échecs de l’avant
On voit une panoplie de livres sur le succès et sur l’échec. Toutefois, combien vont vous dire les choses directement, franchement ? Le livre 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle est une tonne de brique qui ne vient pas nous flatter comme une plume, mais nous assommer comme un uppercut, et c’est parfait ainsi.
NB : On s’aide réellement en faisant cette introspection. Les gens peuvent justement mieux se connaître en lisant ce livre. Est-ce que je suis comme ça ? D’accord, et cela fera de meilleures personnes, que ce soit au travail ou dans la vie personnelle, et cela peut simplement mener à une amélioration.
C’est intéressant d’avoir des livres comme celui-ci, et je pense qu’il y a 10 à 15 ans, peut-être 20 à 25 ans, un livre comme 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle n’aurait peut-être pas pu exister parce que nous n’étions peut-être pas prêts à aller aussi loin.
RTD : Vous avez raison, il y a 10 à 15 ans, il y avait beaucoup de livres sur le succès, comme Good to Great, et sur la croissance personnelle. Il commence à y avoir des livres sur l’échec, mais dans ce livre-ci, il s’agit toujours d’apprendre de l’échec. Or, ce n’est pas du tout notre objectif. Nous disons simplement : Ne faites pas ça ! Ces 40 règles, ne les suivez pas ! Si vous voulez échouer, suivez-les. Il n’y a pas d’apprentissage, ce n’est pas l’objectif du livre.
NB : C’est un excellent point. Parce que parfois, on lit cela et on réalise qu’on est comme ça, et on se dit : « Bon, il faut que j’arrête d’être comme ça. »
RTD : C’est vrai, parfois on se reconnaît à voir le verre à moitié vide. Se plaindre constamment, et là on se dit : « Ah non, est-ce que c’est comme ça que les gens me voient au bureau ? » Là, on se dit : « J’espère que non ! » Parfois, on se reconnaît dans ces situations, car le livre parle beaucoup de situations réelles. Pour que les gens se disent : « Ah oui, c’est moi ça ! »
NB : Mais même Guy Cormier, président de Desjardins, qui dit dans l’introduction s’être reconnu dans quelque chose, dit : « Ah oui, c’est intéressant ! »
RTD : Oui, Guy et moi nous sommes rencontrés à l’âge de 30 ans, lorsque nous avons fait notre MBA ensemble. J’étais un jeune actuaire, et lui, un directeur dans une Caisse Desjardins. J’ai immédiatement su que cet homme irait loin. Il possédait déjà une grande intelligence émotionnelle. Effectivement, tout le monde devrait se reconnaître. Si personne ne se reconnaît dans la moitié des règles, c’est qu’il y a un problème de conscience de soi.
40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle : Est-ce que la société valorise le renforcement positif de manière excessive ?
Aidons-nous vraiment les gens qui nous entourent en peignant la réalité plus belle qu’elle l’est ? C’est ce dont nous discutons dans cette dernière partie qui mène encore une fois à l’authenticité envers les autres.
NB : J’apprécie l’idée d’aborder ce sujet et de susciter la réflexion. On a parfois l’impression que les échecs et les succès sont perçus de manière binaire. Bien sûr, l’échec et le succès ont leurs avantages, mais il semble qu’il n’y ait pas de véritable confrontation qui nous amène à une réflexion profonde.
RTD : Ce que je constate, c’est que nous vivons dans une société qui, sans généraliser, encourage le renforcement positif de manière excessive. Par exemple, dire qu’un dessin de cheval est beau, à un enfant, alors qu’il ne l’est pas. Il est préférable de souligner les efforts, la minutie et le temps consacré à la réalisation, sans pour autant affirmer que tout est parfait. Il est important d’être honnête, transparent et positif.
Il est possible de se donner une rétroaction constructive et positive, sans mentir, en utilisant des formules courtoises et diplomatiques.
NB : Je trouve ce point très pertinent. Comme je l’ai mentionné, je n’en étais pas très loin dans le livre au moment de l’entrevue, je crois avoir lu les deux premiers chapitres. Le point que j’ai trouvé vraiment frappant dans le premier chapitre est que, parfois, les employeurs ne donnent pas de raison pour le congédiement d’un employé. Cela fait en sorte que l’employé ne peut pas s’améliorer par la suite, il ne peut pas se sortir de cette roue infinie.
RTD : Je constate cela fréquemment, et c’est une autre raison pour laquelle j’ai eu l’idée d’écrire ce livre. Parce que même nous, chez Boyden, lorsque nous rencontrons des candidats en entrevue et qu’ils ne sont pas retenus, il est difficile de leur expliquer pourquoi ils n’ont pas obtenu le poste tant convoité. Ce sont souvent des choses qui ne se disent pas. On peut passer sa vie à échouer à obtenir un emploi, sans même savoir pourquoi. On peut réussir une entrevue, ne pas obtenir l’emploi, se faire congédier, ne pas obtenir la promotion, sans comprendre.
En rédigeant ces règles, nous en avons mis quelques-unes que nous ne dirions jamais, mais essayez de comprendre que c’est peut-être cela qui vous a nui.
NB : Oui. C’est vrai, mais, en même temps, lorsque l’on remarque quelque chose qui accroche, peut-être le dire, mais le dire différemment, au lieu de dire : « Vous n’êtes pas bon là-dedans, vous pourriez améliorer ceci. »
RTD : Oui, tout est dans le langage. Je suis un fervent adepte du paradigme du langage positif. J’ai passé ma vie à utiliser des mots positifs dans la même phrase. On peut tout dire dans la vie d’une manière différente. Il est rare que j’utilise un « Ne pas » dans une phrase. On peut utiliser d’autres expressions. C’est vraiment le paradigme qui aide beaucoup. Encore une fois, c’est la compréhension de ce qui peut nous nuire. On l’apprend, mais il ne faut pas attendre 65 ans et la retraite pour l’apprendre, il est trop tard.
NB : Pour la suite, où peut-on se procurer votre livre, 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle ?
RTD : Nous lançons 40 règles pour échouer dans sa vie professionnelle et personnelle lors de l’événement C2 Montréal le 21 mai prochain. Il sera offert la même journée dans toutes les bonnes librairies et est déjà en prévente sur Les Éditions La Presse et sur plusieurs plateformes.
Merci, M. Duguay, ce fut un plaisir de vous avoir en entrevue pour Gentologie et nous espérons que ce livre sera un succès.