L’Automne de Seth Gabrielse d’Automne Boulangerie
Vous vous demandez certainement pourquoi dans un magazine haut de gamme je viens vous parler d’une boulangerie du quartier Rosemont. Le sujet en est simple. Alors que la majorité des Canadiens achètent du pain avec beaucoup trop d’ingrédients, dont ils ne connaissent pas la provenance, le luxe est dans ces boulangeries de quartier qui utilisent moins de 5 ingrédients dans la composition de leurs produits. Ramener le produit à l’essentiel. Il est là le luxe, un produit simple, sans artifice, à sa plus simple expression. Voici donc ma rencontre avec Seth Gabrielse, copropriétaire de la Boulangerie Automne.
L’Automne de Seth Gabrielse: L’entrevue.
Comment ça va Seth ?
Ça va bien
Pas mal occupé ?
Oui, mais d’une bonne façon. On ne peut pas se plaindre.
Donc ça va faire deux ans que vous êtes ouvert ?
Oui, à la fin octobre, le 24. Ça va faire deux ans.
Beaucoup de choses se sont passées depuis l’ouverture.
C’est incroyable, c’est un peu fou.
J’imagine que vous ne pensiez pas que ça serait aussi occupé.
On avait beaucoup de confiance en notre plan d’affaires, et l’on croyait fort en ce quartier. Julien et moi on habite dans le quartier. On a travaillé fort pour amener notre boulangerie à ce niveau, avec notre vision, malgré la présence de concurrents. On travaille avec des produits locaux, on travaille d’une façon plus transparente avec nos produits, avec la provenance des ingrédients. On avait confiance que le quartier voulait quelque chose comme ça. Mais la réponse que l’on a eue, c’était vraiment plus que… en fait, on voyait cette réponse dans un horizon de 5-6 ans. Je dirais que le quartier de la Petite-Patrie — Rosemont nous donne une réponse incroyable même si c’est environ 2 kilomètres carrés. Mais on travaille fort. Julien (NDLR: Roy, son associé) et moi on passe beaucoup de temps ici, notre staff est exceptionnel, investi, allumé, ils nous apportent beaucoup d’idées, ça aide énormément. Quand tu as beaucoup de plaisir à rentrer au boulot chaque jour, ça change tout.
Si on compare à la vie d’un restaurant (Seth a été chez le FoodLab de la SAT et chez Laloux entre autres) est-ce que c’est un gros changement pour toi ?
Côté personnel, oui c’est certain. Ça change la dynamique à la maison d’être présent le soir. Ça change pour moi, avant en restauration, j’étais toujours en attente de clients, la première partie de ta journée, c’est la préparation et la seconde c’est le service du souper. Tu attends toujours voir ce qu’il va commander. Ici c’est différent, nous avons des heures où nous devons avoir des choses qui sortent, mais ça change la planification, je peux mettre faire mon travail dans un ordre qui fait plus de sens pour moi. Je suis plus dans le côté production maintenant que dans le service. Ça change mon approche, ma planification, mais j’aime ça. J’ai toujours été une personne matinale, plus que quelqu’un qui aimait les soirées, ça apporte vraiment plus à ma vie personnelle.
Ne pas être matinal, ça n’irait pas bien 😉
C’est une habitude, 25 ans dans une cuisine, en restauration, tu finis à 12-1 heure du matin, c’est dur.
Se lever à 4-5 heures, ce n’est pas plus évident ?
Ce matin, j’ai commencé à 4, la fin de semaine c’est 2-3 heures du matin. Mais c’est vraiment un temps, tôt c’est certain, mais j’adore ce temps-là, c’est tranquille. Je peux vraiment avoir le focus.
Tu croises les gens de l’Isle de Garde à côté 😉
C’est drôle, car je croise les gens d’à côté quand ils entrent au travail et eux me croisent quand je rentre le matin ici. C’est un horaire complètement inversé. C’est tranquille et zen. Les gens parlent pas beaucoup à cette heure le matin. Un peu de musique.
Tu parlais des ingrédients, locaux un peu plus tôt, vous faites affaire avec des moulins locaux, c’est ça ?
Exact, notre but c’est de faire affaire avec des produits locaux, par produits locaux, je dirais oui, les produits québécois c’est très important pour nous, mais on regarde en tant que Canadien, il y a des parties de l’Ontario qui sont plus proche que l’est du Québec. Alors, c’est vraiment de regarder le plus près avant, et après plus loin. On travaille avec le local, avant le bio. Le local vient en premier. Ce n’est pas tous les fermiers et tous les moulins qui ont le moyen de changer leurs opérations pour être bio, qui représentent un énorme investissement de leur part, etc. On fait nos recherches pour travailler avec des gens qui sont comme nous. On voit aussi un lien direct entre nos investissements avec ces fermiers, avec ces moulins et leurs capacités de produire de mieux en mieux les produits.
Il y a un apprentissage entre les deux.
Oui, c’est vraiment un cycle, on investit en eux, et ils peuvent investir dans leurs champs, c’est pour ça que l’on a un meilleur produit, et c’est le client qui est gagnant au final avec un produit plus nourrissant et plus goûteux.
Ce n’est pas le pain blanc normal que l’on va retrouver ici ?
Non, mais l’on a quand même un pain blanc, il faut répondre à tous les goûts.
Il a quand même une petite twist.
Oui, ce n’est pas la farine traitée d’une provenance inconnue, etc.
Ce n’est pas ce que l’on retrouve en épicerie?
En effet, mais c’est quand même important ces compagnies, il n’y a pas tous les gens qui peuvent s’acheter un pain à 5 dollars, alors ces pains tranchés, ça nourrit beaucoup de gens pour un faible prix. C’est quand même important, mais il faut regarder le nombre d’ingrédients, c’est toujours une balance. Il faut que ça reste accessible. Le nombre d’ingrédients chimiques, et c’est impressionnant, nous, on a souvent 3-4 ingrédients maximum dans nos pains et ces pains-là en ont 20-25. Il faut penser avec quoi tu veux nourrir ta famille.
Il y a ça aussi, et c’est un gros challenge. Comment tu vois ton rôle ici par rapport à ce que tu faisais en restauration ?
Ce n’est pas si différent tu sais, d’un côté. Après avoir été chef, les parallèles sont vraiment similaires, avec le côté gestion d’équipe. Le côté création, le côté testing, c’est très similaire. Oui c’est une autre facette de la business, ce n’est pas très loin. On nourrit les gens. Notre but, c’est d’avoir une boulangerie qui rassemble, dans une mentalité de restaurant avec justement la transparence sur la provenance des produits, travailler avec les saisons, etc.
C’est souvent rare que l’on voie des gens de restauration dans une boulangerie en fait non ?
C’est certain, qu’avec notre côté salé des soupes et salades on se démarque. Mais c’est quand même important pour nous d’être en premier une boulangerie. Mais après ça, on joue un peu avec les produits. C’est naturel pour moi.
C’est ce qui a fait votre succès. Et justement, comment on gère ça cette explosion de gens.
Ça a accéléré les choses. Nos challenges que l’on voyait à long terme se passent actuellement. Il faut trouver le staff, nous sommes près de 30 employés, et ce n’était pas dans notre plan d’affaires tout ce côté administratif. On se voyait vraiment juste Julien et moi de bonne heure pendant 6 jours. Et ce n’est plus notre réalité, je suis là, mais Julien est plus sur le côté administration. Ça a évolué. Mais d’une bonne façon.
Qu’est-ce qui s’en vient dans le futur pour Automne Boulangerie, as-tu des projets que tu peux nous dévoiler.
On travaille présentement sur un moulin, ce n’est pas nécessairement une idée originale, il y a déjà des boulangeries qui en possèdent. On parle d’un moulin sur place, pour moudre notre farine et l’utiliser la journée même ou le plus tard le lendemain, soit de la farine fraîche. C’est quelque chose dans une autre boulangerie ici à Montréal, que je ne nommerai pas, mais aux États-Unis, c’est quelque chose que l’on voit de plus en plus. On a engagé un ingénieur afin de faire un dessin d’un moulin, assez compact, mais un moulin à pierre, fait au Québec. Idéalement, ça devrait être en fonction d’ici la fin de l’année 2018.
Ça va changer quoi dans votre façon de faire les choses.
Ça va amener un challenge pour nous côté technique. On est habitué, quand tu mouds, c’est 12 à 24 heures que le baril reste stable, ensuite l’activité enzymatique ça va dans plein dans toutes les directions, alors la farine n’est vraiment pas stable et tu ne sais pas ce que tu vas avoir. Mais en même temps, ça amène un produit, avec un meilleur goût, plus nutritif, même les arômes qui est vraiment intéressant. On ne réalise pas comment la farine que l’on retrouve en épicerie est vieille, ou manque des choses, quand tu vois les deux farines côte à côte. Ça fait peut-être 6 mois qu’elle est en sac. Ça perd plein de choses.
C’est intéressant, l’espace est pas mal restreint.
Oui en effet, on devient pas mal coincé, on a besoin du staff, du temps, etc.
Et la microbrasserie a pris l’espace à côté.
Oui, au début c’était un peu cher, mais on l’aurait bien pris ce 1000 pieds carré de plus.
En même temps, vous développez des projets avec des gens comme la Boulangerie Guillaume, par exemple.
Oui, on voulait montrer, que c’est des amis, et que ce n’est pas une compétition. La compétition, c’est vraiment le pain tranché que l’on retrouve partout au Québec qui représente environ 80 % du marché. Il y a de la place, mais il y a aussi l’accessibilité.
Parlant de ces projets, il y a plusieurs de vos produits qui sont offerts dans le quartier comme chez Pista, L’Isle de Garde, c’est intéressant d’avoir développé ces contacts.
Oui, les cafés, l’épicerie Tradition qui a parfois nos produits. On voit souvent ça aux États-Unis et en Europe, les grandes chaînes qui distribuent les produits des locaux.
C’est la capacité de production également.
Oui, exactement, on veut que ce soit les gens qui viennent nous voir puissent avoir leurs produits en premier. On veut un commerce durable et qui a une bonne réputation. Je vois un de mes 3 enfants prendre la relève dans quelques années.
Quand on parle d’enfants, c’est bien d’éduquer les gens aussi non ?
Oui vraiment, les gens s’y intéressent de plus en plus en même temps, c’est drôle, mais le mode sans gluten a eu un gros impact négatif, mais à long terme, ce n’est pas si pire, car les gens s’informent, pourquoi c’est plus facile à digérer, etc. Les boulangeries avaient besoin d’évoluer aussi, ce n’est pas seulement le produit final qui compte, mais c’est vraiment de A à Z. Et j’adore ce domaine où les gens aiment partager nos techniques, savoir.
Mais ce n’est pas comme le restaurant la compétition, le client qui attend après son pain, etc. vous pouvez prendre un peu plus votre temps.
Oui, mais en même temps, lorsqu’il pleut, on a moins de gens, ou quand il y a une émission de télé, on est débordés. Dans le 1er 48 heures, c’est difficile à gérer.
C’est intéressant de voir ça, et d’avoir un peu changé les habitudes du quartier grâce à Automne Boulangerie.
Oui, et c’est ici que l’on veut rester. Nous ne voulons pas ouvrir d’autre emplacements.
Passons maintenant à notre petit questionnaire Gentologie avec Seth Gabrielese de Automne Boulangerie
Ta ville préférée dans le monde ?
C’est une question difficile pour moi, je viens de Toronto, j’ai passé la moitié de ma vie ici à Montréal, mais je ne me sens pas nécessairement en connexion avec une autre ville en tant que telle, mais j’ai beaucoup d’appréciation envers Amsterdam, ma famille vient des Pays-Bas, mais ce n’est pas dans ma personnalité. Avec ma famille, on fait souvent des petits voyages pas trop loin. Mais nous sommes retournés à charleston en Caroline du Sud et nous avons vraiment adoré. On cherche toujours la culture de la cuisine, l’art, l’architecture.
Ton restaurant préféré ?
Ce n’est vraiment pas évident. J’ai une longue liste de restaurants où je veux aller, mais je vais toujours dans les mêmes. J’aime beaucoup Super Qualité, Impasto, on ne voyage pas loin, mais on cuisine beaucoup à la maison.
Quel est ton bar préféré ?
Je ne sors pas beaucoup, je dois dire, je ne suis pas un gros consommateur d’alcool, mais j’aime bien l’Isle de Garde tout juste à côté. Mais j’ai eu un coup de cœur pour le Parasol, que j’ai découvert, car ils venaient acheter leurs pains ici. C’est excellent. Très créatif, une belle évolution à chaque année. Petite carte, mais bien choisie.
Ta voiture préférée ?
J’ai présentement une Volkswagen Jetta et j’adore. Je rêve d’avoir une Tesla ou une Audi, mais je ne suis pas dans un mood de changer. J’utilise beaucoup le vélo je dois dire.
Quelle est ta compagnie aérienne préférée ?
Je finis souvent par prendre le groupe Star Alliance (Air Canada, KLM), mais c’est souvent là que débutent mes recherches.
Lieu préféré pour partir en voyage.
Comme on est 5, ce n’est pas toujours possible d’aller loin. On adore l’État du Vermont, Burlington. Il y a de beaux restaurants, microbrasseurs, distilleries, les fermes, les producteurs, etc. On ne voyage pas loin, car l’accès aux ingrédients, ça compte pour beaucoup pour nous. On commence à découvrir.
Votre endroit préféré pour magasiner ?
J’aime bien Lee Valley, je crois qu’ils vont ouvrir à Laval bientôt. C’est difficile, car tu peux tout trouver sur Amazon ou Walmart, mais c’est difficile pour moi, mais mon commerce est à l’envers de cette pratique. Alors, on essaye d’aller dans cette pensée. Mais la différence est dans le service à la clientèle bien souvent. On va souvent à Ottawa pour aller au lee Valley justement.
Lieu préféré pour déconnecter de ton travail chez Automne Boulangerie?
Nous sommes membres au Jardin Botanique de Montréal, on y va chaque semaine, en famille faire un petit pique-nique. Juste quelques heures, et le dimanche c’est ma première journée de fin de semaine et ça commence bien, pas de télé, pas de cellulaire, on marche pendant une heure ou deux et voilà.
Quelque chose sans quoi tu ne pourrais vivre?
Ma femme. L’aide de mon associé Julien ici. Je suis vraiment chanceux d’être bien entouré par des gens qui ont la même vision que moi et qui travaillent aussi, sinon plus fort que moi. Après, je dirais mon iPhone. Pour rester connecté avec la famille.
Merci Seth, on se retrouve chez Automne Boulangerie très bientôt!
Automne Boulangerie
6500 Avenue Christophe-Colomb
Montréal, Québec
H2S 2G8
2e succursale depuis 2023 au:
1470 Bélanger
Montréal, Qc
H2G 1A7