Patrick Raguenaud : l’Homme derrière Grand Marnier
Rencontrer Patrick Raguenaud, maître de chai de Grand Marnier (ce dernier a pris sa retraite en janvier 2021 mais demeure ambassadeur de marque), pas une fois, mais bien deux fois en deux jours est un privilège. L’homme, qui fait le tour de la planète pour parler de la célèbre liqueur de cognac, provient d’une famille où l’on est passionné de cognac de père en fils. Voici donc un résumé de ces deux journées à côtoyer M. Raguenaud lors de sa visite à Montréal.
Montréal et Grand Marnier, parfaits ensemble
C’est fraîchement débarqué de Calgary que M. Raguenaud nous reçoit au Ritz-Carlton de Montréal, il faut dire qu’il y a une longue histoire entre César Ritz et Louis-Alexandre Marnier-Lapostolle. Nous sommes tout d’abord reçus dans Le Grand Lounge, un tout nouvel espace permanent né d’une association entre Grand Marnier et le Ritz-Carlton Montréal pour rendre hommage à leur riche histoire commune. Nous vous en parlons ici.
L’accueil se déroule avec le Grand Sidecar, ce dernier fait parti de la carte de cocktails historiques réinventés, comportant de véritables classiques avec une touche de modernité, donc certains avec du Champagne.
Après avoir échangé quelques minutes avec M. Raguenaud, dégusté quelques bouchées, pris quelques photos et bu quelques cocktails, je me dirige, en compagnie des autres invités, dans la salle de dégustation, où nous attendent 8 échantillons, soit 4 produits Grand Marnier (Cuvée Louis-Alexandre, Cuvée du Centenaire, Cuvée 1880, Cuvée Quintessence) ainsi que 4 de leurs cognacs utilisés dans la fabrication du Grand Marnier (VSOP, X. O., X. O. Grande Champagne et Paradis), la soirée peut débuter. À noter que le cognac est fait du cépage Trebianno, connu en France sous le nom de ugni blanc.
La composition du Grand Marnier
Qu’est-ce qui donne ce goût d’orange si spécifique au Grand Marnier ? C’est l’orange amère, plus précisément l’orange bigarade. Ces dernières sont des oranges qui ne sont pas bonnes à la consommation. Lorsqu’elles sont vertes, elles sont cueillies et coupées à la main. Par la suite, elles sont séchées au soleil, mises dans des sacs et transportées en France à coup de conteneurs de 400 à 500 tonnes. Elles proviennent soit de Saint-Domingue, en Haïti, du Brésil, du Paraguay ou de la Tunisie, pour ce dernier, elles proviennent des mêmes usines qu’utilise Hermès, qui produit des parfums reconnus pour ses notes d’agrumes.
Le tout débuta en 1827 alors que Jean Baptiste Lapostolle, distillateur de liqueurs de fruits fins, a construit ce qui allait devenir la première distillerie de Grand Marnier à Neauphle-le-Château, une petite ville en dehors de Paris. Quelques années plus tard, en 1876, Julia, petite-fille de Jean Baptiste Lapostolle, épousa Louis-Alexandre Marnier. La Maison Marnier Lapostolle était née. Et en 1880, certainement inspiré par sa belle famille, Louis-Alexandre Marnier a eu l’idée excentrique de combiner un cognac français raffiné avec une variété rare d’oranges amères des Caraïbes. C’était le début de Grand Marnier. Rappelez-vous ces anecdotes où vos parents vous ont dit qu’ils recevaient des oranges à Noël, l’orange était, à l’époque, un produit de luxe, et c’est un peu la cause de sa présence dans le Grand Marnier.
L’iconique bouteille, me disait M. Raguenaud, est inspirée de la silhouette d’un alambic traditionnel à cognac — auquel on a ajouté le ruban rouge et le sceau de cire. Ces éléments sont devenus la signature de Cordon Rouge, encore utilisé aujourd’hui. Avec la complicité de César Ritz, le produit se retrouve rapidement dans les plus grands hôtels du monde à commencer par le Ritz Paris et le Savoy (on parle justement du Savoy dans notre article sur le programme Cocktails Perfected de Fairmont) et plusieurs autres dont le Ritz-Carlton de Montréal où j’ai fait une entrevue avec Patrick Raguenaud où je vous parle, dans les prochaines lignes, un peu plus du Grand Marnier.
À la rencontre de Patrick Raguenaud
C’est dans Le Grand Lounge que je rejoins Patrick Raguenaud le lendemain matin. Nous parlons évidemment du Grand Marnier, pour lequel il me confie que le Canada est le deuxième plus important marché et évidemment de la nouvelle Cuvée Louis-Alexandre, un produit complètement repensé. « Il y a deux interrogations (quand on fait déguster une nouvelle version d’un produit), tout d’abord, est-ce que les gens vont aimer le produit et deuxièmement, quand on modifie un produit qui a déjà une existence, il y a toujours le risque d’entendre : C’était bien mieux avant ! Pour le moment, j’ai plutôt entendu des choses agréables. Mais ce qui est systématique, c’est que les gens préfèrent le (nouveau) packaging. Ça va dans le bon sens. » Il m’expliquait que cela fait 2 ans et demi, que lui et son équipe, travaillent sur le produit, et ils sont partis, pour reprendre son explication, d’une feuille blanche. Ils se sont donné qu’une seule contrainte, soit que ce soit un cognac VSOP, le but étant de mettre une progression (dans la gamme Grand Marnier) comme dans les cognacs.
Le renouveau de Grand Marnier
Alors que Grand Marnier a été acheté par Campari en 2016, une nouvelle campagne de publicité a été dévoilée moins de deux années plus tard, en 2018, avec l’accroche « Nous Voyons Grand », j’ai demandé à M. Raguenaud la signification de ce terme pour Grand Marnier, était-ce l’ouverture sur le monde ? « Je crois que c’était surtout, déjà ça a plusieurs sens, ce que vous dites, oui, élargir la base, on peut aller partout, un produit international. Voir grand en termes de qualité, en termes d’image, on va monter en gamme, on va expliquer le cognac et le prix du produit. On voit grand, ce n’est pas une liqueur de base. On voit grand aussi par la gamme, puisque nous sommes en train de structurer une gamme beaucoup plus large et de la présentation plus contemporaine. Ça a un sens très large, et c’est ça qui est bien. Chacun va l’interpréter de sa façon. » D’ailleurs, la Cuvée du Centenaire changera quelque peu son packaging (ils ne changeront pas le liquide) très bientôt.
Grand Marnier et le temps des fêtes
C’est dans l’optique du temps des fêtes qui approche que je demandai à M. Raguenaud, la façon de voir le Grand Marnier, qui est une boisson festive, que ce soit en cadeau ou à la table.
« Alors, je pense qu’il y a plusieurs façons, débutons par le Louis-Alexandre, ce que l’on conseille, c’est de le consommer avec du Champagne. Un peu de Louis-Alexandre et le reste de Champagne et une petite écorce d’orange dans la flûte de champagne en décoration. C’est festif, c’est très bon. Le côté festif il est réel avec le Grand Marnier et le Champagne. »
Poursuivons donc avec le reste de la gamme, toujours pour les fêtes. « Avec le Cordon Rouge, on sera plus sur des aspects festifs à base de cocktails, ici, nous avons essayé le Grand Sidecar, qui est vraiment très bon, il réchauffe. Ensuite avec la Cuvée du Centenaire, on peut la boire toute seule, durant la saison hivernale, en se réchauffant le corps et l’esprit. Nos produits, ces grandes liqueurs, sont des produits de convivialité, que l’on échange, que l’on va partager avec d’autres. C’est ça qui est important, le côté social, la communication autour d’un bon verre. Pour les invités, je sers toujours de la Cuvée du Centenaire, c’est ma Cuvée préférée. »